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Ça

Updated: Feb 3, 2024


Terre brisée

phalanges à reconstruire

morcelées d’avoir une à la fois

pétri le mur de la réalité


des petits bouts de ma vie

dessoudés les uns des autres

en attente

entassés sous la peau

cachés par les marques bleuies

indélébiles à l’eau rancie

de nos gouttières trop débordantes


je m’enveloppe le corps blessure

d’une cape arc-en-ciel


Ça va bien aller

ça va bien

ça va

ça


Juste, ça


tout ce qui reste

quand la nuit tombe

quand je dépose

avant de me mettre au lit

le sourire coquille

dans son petit étui



ree


Je me retrouve juste avec

ça

face à face

éclat de miroir

dans le blanc des yeux

ça saigne un peu

beaucoup

passionnément

de temps en temps


j’ai les larmes

couleur de sang

ou le sang qui goûte salé

je sais pu trop

j’suis mélangé


mes plaies ouvertes

ont décidé de se confondre

dans le brouillard

de mes angoisses

je vois mouillé

je pleure pu clair


quand le soleil

s’est couché pour la dernière fois

l’humanité m’a glissé des doigts

disparue à jamais

de mon horizon tombal


/


Je navigue en aveugle

sur ma mer de vie

je divague sans vents

une peine perdue

sur ma terre morte


je patauge à reculons

les yeux éteints

les mains sur une barre

qui me trahira

vers la chute des dieux

dans ma tête


je navigue mon corps pirate

voleur des beautés perdues

peuplé de vides fatigues


elles parlent ma langue étouffée

sans la comprendre


tandis que je me noie dans moi

à chaque

nouvelle vague

percute

mon récit récif

à fleur de peau menaçant


l’abandon de nos

trois-mâts devenus radeaux

de fortune cookie

me résigne à couler

la sortie s’écrit

dans ma dernière bulle d’air nostalgie


un abysse aimant

me tire l’énergie

une paye à la fois


les jours se comptent

en perdition

la corde s’use

la fin approche

je tiens pu juste

à un fil


tu m’as tendu les ciseaux

mais ce sera à moi

de le couper

de tirer la plug

pour de bon


pour le pire

encore à venir

ou pour de meilleures

journées sans pleurs


/


il neige à gros flocons

dans mes souvenirs charnels


je fais confiance au temps

pour étioler les blessures


me recoudre les tranchées

et quelques sillons d’âme


me peupler au présent

de belles intensités


permettre

à ma tête pour une fois


de suivre le rythme

tempête de mon coeur


et laisser couler les fleurs liquides

sous l’évier des remords fatigués



- février 2022 -





Photos : crédit Hubert Trépanier; Réservoir du Poisson Blanc, Notre-Dame-du-Laus (Qc)

Nitakinan (territoire ancestral de la Première Nation Anishinabeg)

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