De mots et de ressac
- huberttrepanier
- Apr 26, 2023
- 2 min read
Updated: May 7, 2023
ressac, n. m.
Violent retour des vagues sur elles-mêmes lorsqu’elles ont frappé un obstacle.
*
Ma poésie est un ressac
un retour en moi-même
sur mon corps confidence
ma mémoire territoire
mes fatigues dérives
toutes les vagues témoignent
un chapelet hantise
un murmure
j'ai frappé terre sur la violence d'un amour
à sauver de la peur
la violence de toutes
les injustices du monde ordinaire
celle des luttes
à brandir à cet âge où l’on veut se sentir
se sentir vivant, aussi
j'avais une raison d'exister
avant d’atteindre le rivage de mes pertes
rompre enfin avec la chance
sans façade
comme un feulement
dans le cœur de la nuit
une berceuse
pour les bruits dans ma tête

et puis un soir comme
tous les soirs
une journée à souffler les tisons
il y avait l'odeur de terre sous les ongles
et le cri des étés parchemins
je n'ai rien vu venir
rien su mourir
j'étais occupé à surfer ma vague cavalière
à tenir
le Mal en joue par les cornes
à me perdre symphonie en combats quotidiens
j'étais occupé
à survivre
ce n’était pas
assez
/
Les mots se sont perdus de vue
des phrases disloquées dans ma bouche
j’ai lu l’espace vierge
entre chacune des lettres
il parlait plus fort que les syllabes
j’ai lu le vide à voix haute
s'approcher de mes espoirs
un voleur à la place de mon socle océan
j'ai cru entendre le remous
se casser sous mes pieds
mais c’était le poids des jours trauma fissurant
mes épaules charpentes
au-delà des échos
comment alors forcer le silence
ralentir la chute retenir
les morceaux de moi
que tu regardes tomber sans rien dire
te retenir un peu, aussi
las de toutes les enfargures de mémoire
j'ai tenté d'inverser
le cours des saisons pré-mâchées
l’eau de nos tourterelles voyages
les pastels saignants achetés à rabais
un régicide pour mes spleens monochromes
je me suis buté
à la constance de mes marécages
à la force de ton mal-être qui ne se nomme
qu’en empruntant des mots à la peur
des voyelles brûlantes pour mes lèvres pendues
et cette vague tourment
qui était moi sans être moi
cette vague prison s'est écrasée
la figure sur une plage de verre inconnue
c'était la fin des jours naïfs.
j'avais une raison d'exister
maintenant
rien
les heures libres se sont défiler
en décousure de manches de fin de vie
des échardes où mourir mille fois
mes embâcles mes envies filantes
et mon souffle du même coup

j'ai glissé en moi-même
ou sur le sable de ta peau
desserré l’étreinte de mes bras carnivores
j'ai pris le chemin du ressac
[remonter à la source]
par en-dessous du décor
j'ai pris le chemin du ressac
[revenir en moi-même]
voir si j'y suis encore
- décembre 2022 -
Référence / inspiration : Hector de Saint-Denys GARNEAU, Regards et Jeux dans l'espace, Montréal, 1937
Photo 1 : crédit Hubert Trépanier; Lac Fontbonne, Preissac (Qc)
Anicinapek O Takiwa (territoire ancestral de la Première Nation Abitibiwinni)
Nitakinan (territoire ancestral de la Première Nation Anishinabeg)
Photo 2 : crédit Irvin Burel; Réservoir du Poisson Blanc, Notre-Dame-du-Laus (Qc)
Nitakinan (territoire ancestral de la Première Nation Anishinabeg)